Ma grossesse : femme de marin...
Le 14 et 15 octobre de chaque année depuis 18 ans déjà me laissent toujours une sensation étrange.
Je crois que mon corps se souvient de l’évènement le plus important de ma vie, la naissance de ma fille…
La nuit qui précède son anniversaire demeure toujours agitée…Je me rappelle comme si c’était hier.
A 3 heures de matin, les premières contractions ont retenti dans mon corps m’annonçant que le temps était venu de libérer ce petit être qui avait pris vie en moi.
Christophe était en mission à l’époque sur le Porte-Avion Clémenceau. Depuis 1 mois ½ qu’il était absent, je parlai à mon ventre bien rond, en lui demandant d’attendre un peu que son papa revienne de mer.
Chris dit toujours que la grossesse de sa femme est la plus courte qu’il aie jamais vue.
Pour sur, il n’a pu partager que 3 mois de cette belle aventure. Jennifer est un bébé « Balbuzard », conçue à l’époque du conflit en Yougoslavie. C’était l’époque où les courriers transitaient pendant 3 semaines avant de trouver son destinataire, ou internet n’avait pas encore intégré les bâtiments de la Marine. Je lui faisais partager à distance et il recevait en différé dans de longues lettres et par des photos la métamorphose de ce corps qui couvait notre création…
Nous nous sommes rencontrés au Centre de Formation Maritime d’Hourtin, où nous travaillions tous les deux comme infirmiers. Les mentalités évoluaient à un rythme que le cœur ne connait pas. Notre relation tenue secrète quelques temps était considérée « homosexuelle ». Un militaire était « asexué », voire uniquement un homme. La notion de féminisation n’en était qu’à son balbutiement.
L’année de notre mariage (1992), Christophe a été muté à Toulon sur cette ville flottante qu’était le P.A. Clémenceau. Il ne rentrait sur Bordeaux que quelques rares et courts weekends que nous mettions à profit pour fonder notre petite tribu…
Nombre de gens se posent bien des questions sur cette vie de militaire avec des absences parfois si longues et répétées qu’elles mettent en péril bon nombre de couples.
L’adage « une femme dans chaque port » circulait plus vite que le courrier dans cet univers très masculin.
Je me rappelle cette discussion en voiture alors que nous rentrions d’une visite dans les Pyrénées.
Avec beaucoup de conviction, je lui avais expliqué que durant des absences répétées et longues hors du foyer conjugal, tout pouvait arriver. On n’a pas besoin de partir loin pour tromper son conjoint. Qui, de nos jours, ne connait pas un couple autour de lui qui a vécu l’adultère.
Le marin embarqué a plusieurs vies et déjà deux relations : une vie personnelle à quai et puis une vie communautaire sur le bateau.
Pour des missions qui dépassent un mois, loin du quotidien « terrestre », il commençait déjà à perdre pied avec la réalité…. Un simple facture paraissait indéchiffrable, Il ne savait plus où se trouvait la vaisselle comme si tout avait été déplacé le temps de son absence (c’était parfois vrai…)
Si jeune et je lui avais dit : « Surtout protège- toi ». Une soirée, un peu arrosée, un coup de cafard, un besoin d’affection et il est aisé de mettre un coup de canif dans le contrat …
Sil me revenait, c’était qu’il savait où était son bonheur. Le plus inquiétant pour moi était qu’il ne soit pas conscient de ce fait car c’est là qu’une aventure d’un soir peut tout déstabiliser… Bien sur, je ne lui donnais pas mon aval pour se défouler à chaque occasion mais il me semblait déjà important d’être conscient des risques d’une telle vie.
Ainsi, on peut être plus vigilant et au moins assumer les conséquences sans immédiatement tout détruire...