Mon adolescente à la conquête du monde du travail
Le 5 juillet, Jenny a son BAC avec mention assez bien (à 25 points de la mention Bien).Nous sommes heureux pour elle… Et pourtant, elle craque… Une heure de discussion pour la faire rire…. Elle perd confiance en elle…. Après une cinquantaine de courriers, lettres de motivation et CV à des entreprises envoyées depuis plusieurs mois pour faire son BTS par alternance… aucune réponse positive.
Elle a eu la pression, même si, nous parents, fidèles à notre statut, nous avions l’impression qu’elle ne buchait pas… Aujourd’hui, les résultats sont là… Et pour autant, nous n’avons pas le temps de nous épancher…. C’est le début d’une grande galère…. La jungle du monde du travail….
Nous nous sommes accordé une soirée dans notre restaurant favori à Bartrès pour fêter cette nouvelle… le temps d’évoquer notre propre expérience sur cet univers qu’elle va très vite devoir affronter.
Je crois qu’elle aime ses soirées là où nous abordons nos souvenirs et surtout nos faiblesses qui nous rendent plus fragiles mais aussi plus humain à ses yeux.
Dès le lendemain, il a fallu cependant remettre la pression. Elle veut absolument faire ce BTSA ANABIOTEC par alternance. Depuis 2 ans que nous effectuons ce « pèlerinage » aux journées portes ouvertes de ce Centre de Formation Agricole à Hasparren, rien d’autre ne compte pour envisager son avenir professionnel.
Il va me falloir user d’autorité contre son désappointement…
Dès le premier jour où elle a choisi son orientation en filière Science et Technique de Laboratoire, ses vœux se sont orientés vers ce BTS par alternance. A 15 ans, sa maturité dans ce choix nous a surpris. Par là, elle accédait rapidement au monde du travail et elle validait 2 ans d’expérience professionnelle concrétisée par un diplôme reconnu.
Bien sur, son père qui avait suivi cette voie (F7 à l’époque) l’a mise en garde sur les débouchés. Le risque était bien de se retrouver « rince burettes » dans un laboratoire. Je crois que c’était sa façon de montrer son inquiétude.
Pour ma part, je ressentais cette passion qui l’animait. Il n’était, bien sur pas envisageable d’évoquer ce que cela me rappelait… On ne peut dire à une adolescente qu’elle ressemble à sa mère…
Malgré tout en ce début d’été, l’échéance était là… Elle ne pouvait poursuivre sa formation qu’avec un contrat d’apprentissage. L’été est court quand on sait que la France s’arrête de travailler au mois d’août.
Je peux dire que je l’ai harcelé pour faire toutes les relances aux entreprises qui n’avaient pas encore répondues.
Son découragement m’a interpellé quand elle a évoqué faire une année de remise à niveau à la fac la plus proche de chez nous… Remise à niveau de quoi ? Bien sur, il fallait trouver une alternative à une carence de contrat d’apprentissage, mais pas n’importe quoi. Il n’y a rien de grave à perdre une année, mais pas par découragement.
Nous avons fait le point, tel un manager, de ses lacunes et de ses forces. Son souhait était de faire de la biochimie.
Alors que jusque là, soit disant une telle faculté n’existait pas (selon la conseillère d’orientation), elle a fini par trouver un établissement universitaire qui proposait un programme correspondant à ses appétences.
Tout en préparant son dossier d’inscription à la fac, elle a contacté des entreprises par courrier, par mail, par téléphone…
Tout était sujet à discussion, à découragement. Les entreprises ou les écoles à cette époque de l’année ne sont pas toujours joignables et le personnel parfois très désagréable… Elle ouvrait les yeux sur le monde du travail.
Son opiniâtreté a tout de même fini par payer. Elle a fini par décrocher un entretien chez Sanofi Aventis à Montpellier, puis un deuxième pour le 13 juillet. Quel bonheur de voir son excitation !!!
Elle avait eu un entretien chez Danone à Villecomtal en juin qui s’était soldé par un échec.
Il fallait donc adapter une stratégie pour la préparer au mieux. Plus de temps pour les balivernes, son avenir et son bien être était en jeu.
Tel un coach, je l’ai une fois encore agacé et préparé pour un entretien d’embauche. Quel que soit le résultat, je savais que ce travail ne serait pas vain. A 17 ans, peu de jeunes vivent de telles expériences.
Dans nos séances de travail, elle a compris ce qui avait péché lors de sa première expérience. Au fond de moi, je savais que ce serait la passion pour un poste qui ferait le reste…
Nous avons poussé « le vice » à perfectionner son apparence et sa tenue vestimentaire. Il a fallu user de compromis pour qu’elle se sente à l’aise et soigner la présentation… Il lui fallait une touche de bleu qui évoque la confiance en soi… Elle qui depuis quelques mois avait adopté le style « gothique »….
C’était l’été et Christophe travaillait beaucoup, nous avons fait le trajet sur Montpellier dans la journée.
A l’arrivée à l’accueil de cette entreprise, nous avons appris que finalement s’offraient à elle 3 postes.
Après 3 heures d’entretiens et de visite, nous retrouvâmes une enfant épuisée mais une jeune femme enthousiasmée. Son ressenti était bon, elle avait rencontré des personnes passionnées par leur travail et très sympathiques avec elle. Les missions correspondaient à ses attentes les plus fortes. Elle devait dès le lendemain envoyer par mail son ressenti d’entretien et ne devait attendre une réponse que le jeudi suivant. D’autres candidats devaient se présenter la semaine suivante pour ces postes.
Le planning s’était alourdi. Nous devions faire son inscription à la fac de Toulouse le mardi (2ème option cohérente avec ses objectifs) et nous rendre le mercredi à l’INRA à St Pée sur Nivelle pour un nouvel entretien.
Évidemment, 17 ans, toute jeune bachelière, rien dans le système éducatif, ne prépare nos chérubins à établir un « ressenti d’entretien ». Comment pouvait- elle savoir que l’obtention d’un poste allait bien au-delà de l’entretien ?
La « casse-pied » a encore frappé…. Une maman ne doit jamais abandonner, même dans la douleur, lorsqu’il s’agit d’aider son enfant.
Après avoir remercié le personnel de l’attention qui lui avait été porté, elle a définit les 3 missions qui lui ont été présentées et assumé le choix du poste vers lequel son enthousiasme était le plus fort.
La persévérance paye tôt ou tard. Dans ce cas ce fut plus tôt. Dès le lundi 18 juillet, un mail a modifié son avenir.
Elle était prise pour le poste qu’elle affectionnait particulièrement. J’en frissonne encore aujourd’hui d’évoquer ce Bonheur qui nous a tous envahi.
Évidemment, nous économisions un trajet sur Toulouse et des frais d’inscription à la fac.
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Il fallait se concentrer désormais sur son entretien à l’INRA situé à 25km de son école.
Après une longue discussion, nous lui avons suggéré de mettre à profit sa précédente expérience pour réussir cet entretien.
Nous avons évoqués notre expérience de militaire. Effectivement Chris et moi sommes rentrés jeunes (surtout moi, j’avais 17 ans) dans la Marine. Nous avons connus la « vie ferroviaire ». Nous passions à cette époque des week-ends dans le train pour rentrer chez nous. Il était, là encore, de notre rôle de parents d’aborder la fatigue des trajets successifs entre Lourdes, Montpellier et Hasparren. La charge de travail d’un BTS par alternance qui demandait une rigueur et une assiduité supplémentaire.
Bien sur, à tout cela s’ajoutait l’aspect financier. Il lui fallait deux logements. Tout a été abordé afin qu’elle réalise les engagements que ses choix avaient sur nous trois. Quoiqu’il en soit, elle aurait tout notre soutien à partir du moment où elle entendait tout ce que cela impliquait.
Nous avons tous trois étudiés via internet l’activité de ce lieu de recherche. Chris et moi avons eu un peu de mal à trouver tous les points positifs que pouvait présenter, dans son cursus, l’hydrobiologie….
Le 20 juillet, nous partîmes donc vers le pays Basque pour découvrir Saint Pée sur Nivelle. Le temps était maussade.
A l’arrivée dans le village, qui même en période estivale nous a paru très vite lugubre, je me souviens avoir essayé, encore une fois,de trouver des points positifs. Il y avait une autoécole, une esthéticienne, un arrêt de bus et des banderoles affichaient les festivités touristiques. Nous étions un peu en avance et Chris à voulu repérer le site de l’INRA avant de trouver un endroit pour manger.
Nos 20 ans de complicité ne nous ont pas trahis… un regard nous a suffi pour comprendre….
Ce site, à l’écart du village, m’a fait penser à ses villages désaffectés dans les westerns…. La pancarte qui indiquait l’« INRA » semblait flotter de travers indiquant un chemin bordé d’herbes hautes où quelques voitures avaient osées se garer ça et là….. Nous fîmes demi-tour dans un silence qui en dira long….
Nous avons dû manger dans la voiture un encas infâme acheté à la hâte dans la première boulangerie ouverte (peut-être la seule). Il nous a fallu beaucoup de retenu pour ne pas fuir de suite….
A 14h00, nous avons accompagné Jenny…. Nous nous sommes garés, comme les autres, dans l’herbe…. Un panneau indiquait la direction d’un accueil qui n’existait pas…. Des cabanes de chantiers parsemaient sur ce qui ne ressemblait que tout au plus à un terrain vague… Par chance, 2 personnes qui discutaient dehors nous ont accompagnées vers la personne qui devait recevoir notre fille. Nous avons rencontré une jeune femme à la main ferme qui s’est présenté comme la « Maitre de stage ». Le site étant en travaux, elle nous a demandé d’attendre dans notre voiture le temps de l’entretien.
De retour à la voiture, Chris et moi avons éclatés de rire… Oh my God !!! Il n’était pas envisageable pour nous de laisser notre fille dans un tel cadre. Nous étions dans la 4ème dimension. Après le cadre, l’accueil, le respect, la rigueur et la courtoisie que nous avions découverts à Montpellier, ce que nous ressentions à ce moment présent relevait du surnaturel…. Pendant les 20 minutes qu’a duré l’entretien de Jenny, nous nous sommes préparés à son retour. Qui sait, peut-être que la mission lui plairait ? Il nous fallait garder notre sérieux (au moins 5 minutes) avant de lui dire que nous ne la laisserions pas s’enterrer dans un tel endroit.
A sa tête nous vîmes qu’elle n’était pas enchantée…. Son ressenti d’entretien ce coup-ci n’était pas bon….
La mission du stagiaire était la nutrition de la truite d’élevage…..Percevant son désarroi, nous avons éclaté de rire mettant un terme à sa souffrance. Il était hors de question de la laisser pendant 2 ans étudier la nutrition de la truite d’élevage.
Le trajet retour a été très joyeux. Elle nous a décrit le contenu de cet entretien. Nous nous interrogeons encore sur la nécessité de parler anglais pour une telle mission… Elle n’a cependant pas eu l’occasion de voir une seule truite.
Tout ceci semble bien sur prétentieux par rapport à l’élève qui a été ravi d’obtenir ce contrat d’apprentissage.
Le but de ces propos n’est pas non plus de dénigrer le travail de ces personnes.
Nous avions tout simplement compris, cette expérience était pour nous parents. On ne peut pas pour des raisons budgétaires ou autres imposer à son enfant des études qui ne lui correspondent pas.
Ces 2 mois passés nous ont tous fait murir… Chaque étape à permis à chacun d’entre nous d’avancer, de savoir ce qui était raisonnable, de comprendre que les efforts de chacun étaient fondés sur des bases solides.
Nous observions l’éclosion d’une jeune femme sensible mais sensée.
Le reste de l’été a été consacré à la recherche de logements et à toute les modalités et investigations pour préparer la rentrée.
Nous pensions avoir passé le plus dur mais la facilité n’a pas sa place dans notre foyer (Allez chercher de qui ma fille a hérité cela ?).