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Une Maman militaire ...

Publié le par Sophie Assimans

Une Maman militaire ...

Une mère...

On a beau être Mère, on n’a pas tous les droits…

Après toutes ses années à jouer les « Don Quichotte », alors que mon corps ne veut plus avancer au rythme de mon esprit, tout semble s’éclairer. La fable dit « rien ne sert de courir… », finalement tout arrive à point.

Chaque jour, je m’émerveille (discrètement) face à notre fille qui, passée l’adolescence, présente une telle maturité.

Là encore, que de souffrances a-t-elle passées pour en arriver là…

En 17 ans de vie, elle a connu tant d’expériences de moments difficiles, rencontrant des personnalités pathologiques … Nos grands moments de dialogue sont emprunts de souffrance, d’émotion mais de tant de force que je ne peux que garder espoir quand à son avenir.

Nous continuons à l’éduquer pour elle et pour son bonheur, conscient de son envolée prochaine pour sa vie.

Notre vie (et Chris surtout) lui a imposée une autonomie jeune. J’ai longtemps culpabilisé de ne pouvoir lui faire faire des activités extra scolaire comme tout « bon » parent accorde à son enfant. Notre vie professionnelle, ne laissait pas place à la régularité… Dans la Marine, la famille ne fait pas partie du sac… Dans le libéral non plus…

J’ai privilégié les devoirs, le sommeil et surtout les moments si précieux avec elle.

Aujourd’hui j’observe autour de moi, tous ses parents qui continuent à vivre à un rythme effréné et passent le plus clair de leur temps dans les voitures pour amener leurs enfants à des activités… Ils s’interrogent, culpabilisent, s’épuisent et pourtant perpétuent cette course incessante qu’ils ont eux-mêmes crée.

Ma fille n’a pas fait de galla de danse, d’exploit sportif, et pourtant nous avons partagés des moments inoubliables…

Toute occasion était bonne pour se déguiser, chanter, danser et même travailler en s’amusant…

Et comme elle m’a dit un jour, petit à petit, l’oiseau fait « cui-cui ».

Je sais qu’elle souffre pour le moment de ce décalage avec les jeunes de son âge. Elle est bien loin des querelles de ces « reines du lycée ». Elle a vécu le cancer de son papa, le handicap de sa maman et trouve bien futile les préoccupations de ses camarades. Je donnerai tout pour qu’elle puisse avoir l’inconscience de son âge…

Mais on est aussi ce que l’on vit… Alors, nous parlons ensemble à livre ouvert, en pensant aux jours meilleurs, pour que mon oisillon s’épanouisse dans sa vie.

Nous sommes tous marqués de traumatismes divers, mais on a le choix de se laisser submerger, de se morfondre ou de se battre… C’est cette force intérieure en laquelle je crois. J’ai une pléiade de belles phrases (hommage à des gens bien) qui m’animent :

  • On n’a que les épreuves que l’on peut supporter (alors je crois que je peux en supporter beaucoup…)
  • « Il faut être économe de son mépris étant donné le grand nombre de nécessiteux » (Jean d’ORMESSON).

Un jour Chris m’a dit : c’est vrai, j’ai eu mon cancer du rein…on m’a enlevé le rein… pas de traitement… plus de cancer… C’est le cancer qui me convient !!!

Et le pire c’est que cela correspond tout à fait à sa personnalité…

En ce qui me concerne, ce n’est pas aussi simple. Ennui de santé rime avec difficultés…

Petite déjà, j’ai frôlé la péritonite car alors que je souffrais violemment du ventre, maman me disait « t’as qu’à manger plus de chocolat », on saura bien plus tard que c’est papa qui en mangeait en cachette (le coquin !!!).

Je crois que j’avais déjà cette force en moi qui fait que même quand ça ne va vraiment pas, on ne me croit pas.

Les anecdotes se sont ainsi multipliées…

Un passage en réa pour un œdème de Quincke, Eléphant Woman, le retour suite à des allergies incompréhensibles…

Un effet paradoxal aux antis histaminiques qui me rendaient hilare… Effectivement, je n’ai jamais rien de grave, juste des faits pas commun…

En 2000, j’ai bataillé 2 ans pour que l’on mette en évidence une intoxication au glutaraldéhyde.

Ma première vraie lutte contre un système. Infirmière dans la marine depuis 12 ans, j’ai découvert les méandres du service de santé de la grande muette.

A cette époque là, tout roulait pour nous. Nous étions un jeune couple d’infirmiers de carrière, parents d’une belle rousse douée à l’école et propriétaire d’une villa dans le Var.

J’étais épanouie professionnellement quand j’ai commencé à déclencher des extinctions de voix.

Cela m’a d’ailleurs valu beaucoup de railleries… moi, si bavardes, je n’avais pas le souvenir d’avoir fait dans ma vie une seule laryngite… Il a bien évidemment fallu nombreux épisodes d’aphonie avant que je m’interroge sur l’apparition de ses symptômes. En plus, c’était reposant pour mon entourage…

Je me souviens les efforts surhumain que je devais fournir pour me faire comprendre des patients, mais je ne manquais pas de ressources… Un jour une collègue me dit : tu sais, avec les produits qu’on utilise, on a souvent des problèmes ORL, tu devrais voir un spécialiste avec la composition des produits.

De là, tout s’est enchaîné… j’ai continué à travailler tout en poussant les investigations…De fait, j’ai passé des mois à m’intoxiquer à petit feu à coup de spray désinfectant. A cette époque, un seul produit existait sur le marché pour désinfecter les surfaces en milieu hospitalier. Par chance, je suis tombé sur quelques personnes compétentes et avec une conscience professionnelle. Mais le chemin de la vérité est semé d’embuches… J’ai consulté ORL, phoniatre et multiplié avec assiduité des séances d’orthophonie. Mon état faisait sourire… Que je ne puisse pas raconter d’histoire à ma fille, le soir avant de se coucher ne posait de difficultés qu’à nous…

Un jour où j’étais épuisée, me tapotant sur l’épaule, elle m’a dit : « ce n’est pas grave maman ça va passer, le monsieur t’as dit de pas forcer ». 7 ans et déjà, la maturité et l’attention que l’on ne trouvera jamais chez certains adultes. J’ai vu et entendu de tout…

Une collègue infirmière m’a dit un matin avec beaucoup de délicatesse « une aphonie qui perdure est un cancer qui s’assure »… Notre infirmier Major m’a isolé dans un bureau à traiter des dossiers avec un panneau sur la porte du genre « Personnel aphone, ne pas adresser la parole ».

Mon médecin Major m’a dit « t’as qu’à changer de métier »… Tout est tellement facile quand on regarde les problèmes des autres… C’est là que l’expression « ce sont les cordonniers les plus mal chaussés » a pris tout son sens. L’humour est important dans cet univers qui côtoie la détresse. Mais ma passion est telle pour cette profession, que je n’avais pas saisi que l’on ne puisse pas avoir certaines qualités humaines pour l’exercer. Pour un soignant en difficulté, rien n’est plus hostile que son environnement professionnel.

Dans cet univers impitoyable, j’ai spontanément consulté une psychiatre afin de déceler si mon aphonie était psychologique.

Tout en me rassurant sur mon état « psychiatrique », elle m’a conseillé de persévérer dans mes investigations médicales en restant prudente sur les conséquences de cette bataille.

Plus le temps passait et plus le phénomène s’accentuait. Je ne pouvais plus rentrer dans une salle de soins lorsque des instruments trempaient dans ces bacs de décontamination au combien toxique!

Mon loisir favori dans cette région ensoleillée demeurait le terrassement et le jardinage.

J’aimais dès l’aube, arpenter le terrain accidenté de notre maison, observer la végétation et les plantes que j’avais méthodiquement semées. Régulièrement, le réveil de Christophe était ponctué par le bruit de la pioche que j’activais vigoureusement. Mes épaules, à cette époque, dessinaient une silhouette bien sculptée.

Mais peu à peu, cette intoxication me coupait le souffle à l’effort me murant dans le silence…

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