Agriculture ou nature ?...

Je m'interroge...

Christophe est agacé, les veaux se sont encore échappés,

Vous souriez, pas de quoi s'énerver !!!

Du retard dans sa tournée et ce sont les patients qui vont rechigner...

Voilà 8 ans que nous parcourons la campagne où nous avons choisi d'habiter.

Le cadre est beau, la végétation prospère, les nuits étoilées.

Nous aimons les bruits des animaux, le tintement de leurs cloches,

Nous admirons les oiseaux et rapaces qui survolent notre maison.

L'âne braie, le coq chante, la vache meugle, le mouton bêle... tout est bien, c'est la nature !!!

Dans notre secteur, il n'y a plus de berger, seuls demeurent quelques agriculteurs.

Ils élèvent vaches ou moutons, cultivent le maïs et font leur foin.

Depuis 8 ans, on ne les entend que râler, critiquer...

Le soleil, la pluie, la neige, les gens, les voitures, les routes, les constructions, l'argent...

Tout est bon pour se plaindre...

Au début, on écoute amusé les jérémiades plus ou moins insensées.

Peu à peu on apprend, on se fond dans ce monde agricole et on observe un peu mieux...

Innocente, j'ai voulu en aider certains.

En creusant, on comprend, ce que veulent les gens.

Tels des enfants qui ont compris que leurs parents cèderont au caprice,

Ils ont compris qu'en râlant, ils auraient des aides.

On sait que le français est râleur, l'agriculteur est sur le podium.

Bien sûr, j'ai conscience que bon nombre de choses ne vont pas,

mais on n'entend plus que ce qui ne va pas ...

Ici , très peu ne vivent plus que de leur terre mais pourquoi s'accrochent-ils alors autant à leur double statut d'agriculteur ?

Les tracteurs et machines agricoles se multiplient alors que les cultures diminuent.

Les jachères pour le repos des terres ne sont plus usitées.

Les engrais et pesticides sont répandus sans discernement car l'objectif n'est plus que rendement...

Attachés à la MSA, ils peuvent construire sur les terrains agricoles,

se reconvertir aisément dans les métiers de la nature,

Ils demandent pourtant que leurs terrains soient constructibles s'assurant une réserve d'argent.

Plutôt que de vendre un terrain, ils préfèrent être "indigent" et solliciter les aides d'état...

Nombre d'exemples concrets vécus en 8 ans nous interpellent.

L'avare Harpagon n'est plus le noble de Molière.

Les méthodes changent, le vice demeure.

Nous, étrangers de cette agriculture, avons appris à respecter les règles.

Nos clôtures et constructions sont règlementées.

Nos déchets sont triés, nos fausses sceptiques contrôlées.

Nous payons nos impôts, respectons nos voiries...

Alors que répondre à nos "étrangers de l'agriculture" vivant à la campagne ?

Il y a 18 mois, Christophe, en tournée, a reçu un veau affolé, en liberté, sur la voiture.

Vitesse pourtant respectée mais voiture pliée... Le constat a fait rigoler !

Son outil de travail a été plus d'un mois immobilisé, les veaux continuent de errer...

Nos routes sont sales et délabrées par les tracteurs encrassés.

Le coût et la situation de nos voiries ne permettent pas un revêtement de qualité.

Pourtant 10% de notre village habite et arpente quotidiennement notre quartier.

Nos voitures sont sales, la mécanique est altérée par les "nids de poule" fréquentés.

Les clôtures électriques improvisées, non signalisées perturbent internet et la réception télé.

Les pesticides et désherbant inondent les champs.

Les "citadins" taillent leurs haies, les autres laissent , la végétation s'exprimer...

C'est de tout cela que nous, "étrangers", au final, devons nous accommoder volontiers.

Chaque avantage présente inconvénient, nous citadins, le savons bien !

Mais ce n'est pas le site qui pose problème, c'est l'argent, le rendement qui rendent déviant.

C'est l'irrespect de l'homme, qui dénature notre agriculture.

"L'agriculture ne sert plus à nourrir les populations, mais à produire des devises" (Robert Linhart), l'agriculteur l'a bien compris...

Aujourd'hui je suis lasse de ces gens dans le "déni".

Nous devons tous évoluer,

on ne peut prendre sans donner,

on ne peut accepter le progrès mais continuer à vivre dans le passé,

Profiter de ses droits et assumer ses devoirs,

c'est une forme de respect...